C’est censé être le point d’orgue, le pinacle, l’apothéose, le but de l’opération quand deux personnes (ou plus) se retrouvent pour passer un bon moment sous la couette. Il nous fait monter au 7e ciel, prendre notre pied, grimper aux rideaux pour s’accrocher au lustre : comme vous l’avez compris, nous parlons d’orgasme. Avez-vous déjà pensé à que rationner, empêcher ou retarder l’orgasme pouvait être un jeu érotique à part entière ? Loin d’être une fin en soi, certains et certaines ont décidé de lui donner plus d’importance encore… en s’essayant à la restriction d’orgasme, à la frustration sexuelle érotique, à l’orgasme ruiné ou en le mettant sous clef grâce à des cages ou ceintures de chasteté. Jouir or not jouir, telle est la question du jour !
Un monde où l’orgasme n’est plus systématiquement l’alpha et l’oméga de notre sexualité
L’industrie pornographique mainstream se concentre sur l’orgasme (masculin en particulier), et surtout sur ses manifestations les plus visuelles. L’orgasme masculin représente souvent le final de la séquence (à moins qu’un nouvel acteur vienne se joindre aux participants).
Même son de cloche dans la presse et les médias en général : non seulement l’orgasme masculin clôt le rapport hétérosexuel, mais une importance disproportionnée est donnée à l’orgasme simultané. Le fait d’avoir un orgasme conjoint est d’ailleurs parfois jugé comme un critère de réussite lors du rapport sexuel.
Heureusement, les langues commencent à se délier pour critiquer le caractère un poil restrictif de ces représentations. La jouissance simultanée tient plus de l’heureux accident que du passage obligé. De plus, le rapport sexuel peut se passer d’orgasme (mais pas de plaisir !). Cette conviction, c’est celle de la sexualité positive, qui promeut une vision plus inclusive, modulaire, de la sexualité, qui permet à chacun d’exprimer ses envies sans pression extérieure, tant que la bienveillance et le respect de l’autre sont présents.
Dans le contexte du BDSM et du fétichisme aussi, les plaisirs sont déconstruits, réarrangés, recomposés. La jouissance n’échappe pas à la règle : les jeux à base de frustration érotique, de restriction d’orgasme et de contrôle de l’orgasme, servent à raffermir la domination d’un partenaire sur l’autre. L’orgasme matérialise les dynamiques de pouvoir : il y a celui qui l’octroie et celui qui le subit.
Les jeux d’orgasmes : mille variantes de frustration érotique
Faisons le tour des pratiques (vanilles ou BDSM) qui incluent de jouer avec l’orgasme de son ou sa partenaire, à savoir : la restriction d’orgasme, la frustration sexuelle à visée érotique, la traite, l’orgasme ruiné ou encore la chasteté érotique !
Les fantasmes se centrant autour de l’orgasme font de la frustration sexuelle un moteur érotique.
Restriction d’orgasme
Quand on cherche à frustrer l’autre, l’idée la plus évidente, instinctive, est de ne pas autoriser son ou sa partenaire à jouir, ou du moins à limiter fortement les orgasmes. Cette pratique de restriction de l’orgasme est très populaire dans l’univers BDSM.
Les pratiquants trouvent plusieurs avantages à ce jeu :
- Cela permet au dominant d’affirmer son contrôle sur le plaisir du soumis ou de la soumise ;
- Le ou la soumise oublie son propre plaisir pour se concentrer sur celui de l’autre ;
- La promesse d’un orgasme incite à l’obéissance, tout comme la punition en cas de désobéissance.
La restriction d’orgasme est un jeu physique et psychologique où l’on flirte avec les limites de l’autre. On cherche à pousser son partenaire à se dépasser, à se retenir toujours davantage. Les amateurs de sadomasochisme pur apprécient également le côté inévitable d’un orgasme trop longtemps retardé, et les délicieux punitions et châtiments qui en découlent.
Déni d’orgasme ou orgasme ruiné
Autre moyen d’affirmer son contrôle sur la jouissance et la sexualité de son partenaire : l’orgasme ruiné. Cette pratique sexuelle consiste à jouer sur le moment de l’orgasme de manière le gâcher.
Comment remplacer ces instants d’extase et de libération en une frustrante sensation de vide ? L’orgasme ruiné implique de stimuler l’autre jusqu’au point de non-retour. La jouissance se déclenche, mais le partenaire arrête aussitôt la stimulation. Le plaisir n’est pas atteint.
L’éjaculation survient (si on stimule un pénis), mais la sensation est peu plaisante, « à vide », et ne délivre pas de la tension sexuelle. Dans la tête, c’est comme si rien ne s’était produit ! Plutôt amusant, pour celui qui regarde l’autre se tortiller, n’est-ce pas ? La frustration sexuelle est alors maximale, tenace.
Surstimulation ou orgasme forcé
Une fois l’orgasme passé, les hommes ont une période réfractaire pendant laquelle toute stimulation est désagréable, voire douloureuse. Pendant cette période, poursuivre les caresses ne sera donc pas très plaisant, et un nouvel orgasme sera perçu de façon désagréable. L’orgasme forcé consiste à « obliger » l’autre à jouir. On flirte ici encore avec les plaisirs masochistes.
Les femmes n’ont pas de période réfractaire à proprement parler. Elles peuvent cependant connaître les plaisirs doux-amers de l’orgasme forcé si elles enchaînent les orgasmes. L’excès de plaisir et la surstimulation peuvent paraître aussi déplaisants que la frustration !
Une petite variante de ce jeu consiste à mettre le clitoris en contact direct avec un accessoire à pleine puissance (comme un magic wand). On en frissonne d’avance.
Edging
L’edging (venant de l’anglais « edge », le bord, le rebord) consiste à maintenir l’excitation près du point de non-retour de l’orgasme, sans pour autant le dépasser. Le plaisir est gardé à son niveau maximum très longtemps. Parfois, les séances d’edging sont entrecoupées de pauses.
L’avantage de la pratique est qu’elle peut se pratiquer seule ou bien avec son ou sa partenaire pour perpétuer un état de tension érotique.
L’edging peut être un fantasme ou un outil utile pour entraîner un éjaculateur précoce à se retenir et l’empêcher de se précipiter sur la jouissance. L’edging s’accompagne de moins de frustration sexuelle que l’orgasme ruiné ou la frustration sexuelle, car le pratiquant ressent un plaisir vif durant le jeu.
Milking ou « traite » de l’homme
Le milking (venant de l’anglais « traire ») est une pratique permettant, via la stimulation prostatique, de provoquer une éjaculation sans véritable orgasme (contrairement à l’orgasme ruiné où la jouissance a bien lieu).
Le partenaire, avec un doigt ou un accessoire, pénètre l’anus et appuie sur la paroi intérieure. Il masse la prostate, qui se trouve à quelques centimètres de l’entrée, et pousse le liquide à sortir. Le résultat est souvent un écoulement continu de sperme au moment de l’éjaculation au lieu de plusieurs jets. Ce type d’éjaculation est très peu satisfaisante pour l’homme.
Le plaisir n’est pourtant pas totalement absent lors de cette pratique : les soumis ressentent du plaisir lors du jeu. Certains apprécient de se sentir vulnérables face à l’autre ou l’humiliation et la frustration qui découle de la traite érotique.
Cages et ceintures de chasteté
Il n’est pas possible d’évoquer les jeux autour de l’orgasme sans parler des dispositifs de chasteté, ces accessoires iconiques du monde BDSM : la cage de chasteté et la ceinture de chasteté, qui permettent de trouver une forme de plaisir dans la frustration sexuelle et la chasteté imposée.
Les cages de chasteté peuvent être de différentes formes, tailles et matériaux. Les modèles les plus courants sont en silicone. Les amateurs préfèrent généralement des cages en métal, faites aux dimensions de leur propre sexe, car plus la cage est ajustée, plus elle est efficace et agréable à porter.
La cage est composée de deux parties : à l’avant, une sorte d’étui ouvert au bout enserre le pénis tout en permettant la miction. Les couilles sont ensuite passés à travers un anneau. Les deux parties sont ensuite clipsées ensemble puis verrouillées par un cadenas. Qui possède la clef maîtrise la vie sexuelle de l’autre ! Cette personne s’appelle un keyholder.
Elle prend le contrôle de la sexualité de la personne encagée et vérifie que la personne ne se masturbe pas. Dans certains cas, le ou la keyholder s’amuse à exciter la personne encagée pour maximiser la frustration sexuelle et créer un sentiment de manque.
Le format ceinture, plus adapté à l’anatomie féminine, se présente sous la forme d’une ceinture enserrant les reins. L’ouverture au niveau de la fente permet d’uriner et de se nettoyer, mais pas de faire l’amour ou de se masturber sans retirer la ceinture de chasteté.
Le dispositif est encombrant, il se voit sous les vêtements moulants et se rappelle quotidiennement à son porteur, ce qui raffermit l’emprise psychologique du dominant sur le dominé tout en maximisant la frustration sexuelle ressentie.
Certains modèles s’utilisent également chez les hommes ou en complément d’une cage de chasteté. Le raffinement de certains de ses dispositifs est tel qu’il amène à des faits divers plutôt coquasses, comme c’est le cas pour cette demande de rançon originale.
La minute sécurité : il est très important que la cage ou la ceinture de chasteté soit correctement ajustée pour éviter toute blessure. Il est conseillé de commencer par des périodes courtes si l’on commence à explorer ces jeux, afin de s’assurer que les organes ne sont pas trop comprimés.
Une vision modulaire de la jouissance : l’orgasme à la carte
Ces jeux et fantasmes rappellent que l’orgasme, plus qu’une fin, est surtout un moyen de prolonger, d’intensifier et de sanctifier le plaisir sexuel de l’un ou l’autre des partenaires.
Contrôle d’orgasme, frustration, jouissances ruinées mettent en avant une composante essentielle de notre sexualité : le plaisir passe avant tout par la tête. Dans les jeux et fantasmes se centrant autour de l’orgasme et de son contrôle, le plaisir physique redouble le plaisir mental.
Les possibilités en matière de jeux sont infinies :
- Limitation de l’orgasme ;
- Limitation de l’orgasme ;
- Création d’un nombre de quotas ou de jours de jouissances imposées ;
- Surstimulation du corps pour transformer le plaisir en (douce) douleur ;
- Orgasmes ruinés ;
- Traite via massages prostatiques ;
- Discipline : interdiction de se masturber ;
- Punitions en cas de jouissance inopinée ou de masturbation non autorisée.
Au départ réservées aux membres de la communauté BDSM, de plus en plus de personnes, toutes sexualités confondues, s’intéressent à la restriction d’orgasme, à la chasteté et à la frustration sexuelle, sans brider leur vie sexuelle et leur plaisir pour autant.
Les mois d’octobre et de novembre sont associés à certains de ces jeux. Ainsi, octobre est le mois de « locktober », le mois où l’on met sous clef la sexualité de son partenaire. Les photos de cages de chasteté et de personnes pratiquant l’abstinence forcée à visée érotique sont partagées sur les réseaux sociaux sous le hashtag associé (#locktober). Dans la même veine, novembre est, de façon plus confidentielle, le « no nut november », le mois de novembre sans éjaculations.
Jouer avec l’orgasme pour apprendre à se connaître et explorer différemment sa vie intime
Accepter que l’orgasme soit facultatif enlève une bonne part de la pression que nous ressentons. Le sexe est parfois encore trop souvent, surtout pour les hommes, pensé comme une lutte, une prise de pouvoir sur le corps de l’autre, une arène ou un espace où il faut performer. Grâce aux jeux de frustration érotique et au contrôle de l’orgasme, les partenaires apprennent à explorer leur corps ensemble et à écrire à deux une nouvelle partition amoureuse. Au croisement du physique et du psychologique, le contrôle de l’orgasme oblige à lâcher prise sur quelque chose de très intime, à abandonner sa jouissance aux mains d’un autre, à la confier à son partenaire. Ce genre de jeux autorise toute une gamme d’émotions, de plaisirs et de ressentis nouveaux, du plus subtil au plus difficile à supporter.